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Article 2014
"Il est difficile de mieux montrer l'immémoriale fraternité des arts.
"Le travail de Gabrielle Thierry (puisque les artistes se servent maintenant couramment de ce mot modeste de préférence à "inspiration" ou à l'un de ses synonymes) est une admirable démonstration de la fraternité des arts. Elle fait voir et entendre que si les formes de la musique peuvent être lues picturalement - et inversement - et que si, de plus, les formes picturales peuvent être vues ou lues musicalement puis rejaillir ensuite en formes peintes, c'est parce que l'effet de vie est, au bout du compte, leur dénominateur commun.
Les nymphéas de Monet sont une chose, la Sonate pour violon et clavier de Jean-Sébastien Bach en est une autre, L'Amandier ou La Musicalité des Nymphéas de Gabrielle Thierry en sont deux autres encore, mais comment nier que ces oeuvres, si on aime les découvrir, reposent sur des formes qui sont vives et qui font vivre. Il est difficile de mieux montrer l'immémoriale fraternité des arts."
Marc-Mathieu MÜNCH, Université de Lorraine - 2014
Publication dans les Actes du Colloque "Forme artistique et qualité de réception"
Centre "Écriture" - Université de Lorraine - METZ - février 2012 - sous la direction de M.M.Münch
(...)En 2010, j'ai commencé à griffonner, à faire quelques gouaches exploratoires. Je devais m'approcher au plus près des œuvres de Claude Monet, pour en comprendre les couleurs, leurs palettes si riches. J'ai demandé à la Direction du Musée de l'Orangerie l'autorisation de venir peindre devant les grands panneaux ! La réponse positive et l'accueil reçu ont dépassé mes espérances.
Ce sera finalement après plus de 300 heures à scruter les Nymphéas de Claude Monet que j'ai pu appréhender non seulement les couleurs, les formes, mais aussi la composition, et surtout ce qui émanait de cet ensemble.
Je suis venue peindre au Musée de l'Orangerie deux fois par semaine afin de révéler la musique des Nymphéas. Depuis octobre 2010, j'ai pu approcher, aborder, admirer, écouter les 80 mètres de toiles. Chaque coup de pinceau de couleur pure est observé ainsi que l'ensemble des compositions. Les Nymphéas forment en effet un tout, c'est en quelque sorte une installation majeure dont les murs et l'architecture du musée sont partie prenante de la démarche artistique du peintre.
J'ai à ce jour réalisé tous les Nymphéas dans leur musicalité, 8 panneaux à l'huile, les plus grands en dyptique (plus de 22 mètres linéaires) ainsi qu'une vingtaine de gouaches réalisées également sur place.
La composition m'est venue presque naturellement en "écoutant" la peinture de Monet, en relisant le paysage. L'œil se promène selon une trajectoire qu'il me faudra reprendre sur la toile. La composition sousjacente de l'œuvre de Claude Monet est devenue pour moi de plus en plus lisible. Les toiles me sont apparues très construites, pas seulement dans leur verticalité mais aussi dans les mouvements des reflets, le positionnement des nymphéas formant parfois des cercles et aussi des "damiers rythmiques". Le regard du spectateur est emmené le long du paysage, de la toile. C'est sur cette charpente que ma composition musicale picturale peut s'inscrire.
Site dédié à "La Musicalité des Nymphéas" : www.waterliliespaintingmusic.com (nouveau site à venir)
Video des séances de travail au Musée de l'Orangerie
La multiplicité des points de vue réalisés par Claude Monet de son bassin ainsi que la diversité dans les heures de la journée, donne à chaque retranscription musicale une couleur, un timbre, une harmonie différente. Le son et le timbre suggèrent un jeu instrumental. Nous avons déjà mentionné le caractère bleu des notes de piano et de son fond sonore.
Pour revenir à la question de l'esthétique, le travail que je vous ai présenté me permet de vous soumettre deux interrogations :
- à partir de mon travail, l'importance du vocabulaire pictural et de la relation que j'essaye de traduire avec la musique correspond à une recherche ancienne et constante de convergence des arts. Pour certains historiens, elle est à situer au moment particulier de l'apparition de l'abstraction en peinture mais peut être également rapprochée d'une liberté nouvelle dans l'histoire de la musique (les deux langages seraient intimement liés).
(...)
- Pour ce qui concerne la postérité, il est assez paradoxal et intéressant pour une artiste inconnue (moi-même, vous l'avez bien compris) de se retrouver devant une œuvre majeure qui pourrait servir précisément à illustrer au mieux la notion de postérité dans l'art. Claude Monet, bien sûr, est déjà l'un des artistes les plus connus mondialement au moment de la réalisation des nymphéas.
Mais il s'agit pour moi de resituer le don des Nymphéas dans le contexte, celui de la fin de la grande guerre et, à ce titre, un message universel de paix fondé sur une esthétique résolument nouvelle pour l'époque et qui participe, répondant en cela à la demande de l'artiste et obtenu grâce au soutien de son ami, le premier personnage de l'état à ce moment, Georges Clémenceau, une architecture et une scénographie des Nymphéas comme archétype de l'accomplissement en lien avec la postérité.
Devant "Matin "
Musée de l'Orangerie 2011
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